Contes et Légendes d'Endimante - Livre premier ; chapitre premier.
1. La Belle Dame
Il
était une fois, dans un pays qui se nommait Endimante, un roi
et une reine qui étaient tristes, car ils ne pouvaient pas
avoir de descendance. Maintes et maintes fois par le passé,
ils avaient essayé de faire un enfant, mais il semblait que la
Nature en avait décidé autrement.
Un
jour, alors que le désespoir avait pris place dans leur coeur
et commençait à envahir leur royaume, une bonne fée
se présenta au château.
- Majesté,
une Belle Dame (c'est ainsi que l'on nommait les fées dans le
royaume) vous demande audience.
- T'a-t-elle
dit ce qu'elle voulait ?
- Non,
Monseigneur, elle a seulement dit que c'était important et
très personnel.
- Bon.
Fais la entrer et fais dire à tous de ne pas nous déranger
jusqu'à nouvel ordre.
- Bien,
Sire.
Ainsi,
la Belle Dame s'avança. On aurait dit un ange : elle avait la
peau et les cheveux d'un blanc éclatant. Sa longue robe
luminescente répandait un halo autour d'elle, comme les rayons
d'une étoile qu'elle aurait tenue contre sa poitrine. Ses
pieds ne paraissaient qu'effleurer le sol, et des voiles flottaient
autour d'elle comme soulevés par un vent léger.
- Bonjour
roi des hommes, dit-elle en regardant le roi. Bonjour belle
souveraine, dit-elle, ayant tourné ses yeux d'or vers la
reine.
- Bonjour,
Belle Dame, répondirent-ils afin de la saluer à leur
tour
Puis,
il y eut un silence, comme si une douce brise s'était mise à
souffler dans la voûte de la grande salle. Au bout de quelques
secondes, la fée parla de sa jolie voix flûtée,
qui rappelait à quiconque en avait déjà entendu,
le chant d'un ruisseau de montagne.
- Je
suis venue vous voir afin de vous apporter une solution au problème
que vous avez. Tous les gens de votre royaume disent du bien de
vous, aussi semble-t-il que le Mal s'acharne pour punir cette bonté,
et vous condamne à ne pas avoir de descendance. Or, si vous
êtes prêts à perdre beaucoup pour gagner une
telle récompense, je puis vous expliquer comment faire.
- Nous
sommes prêts à faire tous les sacrifices nécessaires,
Belle Dame. Qu'en est-il ?
- Seriez
vous prêts à risquer votre vie ?
- Oui,
répondirent le roi et la reine d'une même voix.
Devant
tant de sincérité et de courage, la fée fut émue
de compassion.
- Vous devrez vous séparer pendant un temps, et chacun de votre côté mener une quête personnelle, sans être sûr que l'autre réussisse. Voulez-vous accomplir cette oeuvre ?
- Nous le voulons, Belle Dame, dit le roi, enseignez-nous ce qu'il convient de faire, et nous mèneront chacun notre chemin en toute confiance.
- Voici donc ce qu'il faut faire, dit-elle, en se tournant vers le roi. Homme, tu chercheras le Dragon dans le coeur de la terre. Quand tu l'auras trouvée, tu lui demanderas la lame du destin dont elle est la gardienne, et tu auras un choix à faire duquel dépendra ta vie. Si tu réussis, ramène-la ici.
Puis, se tournant vers la reine elle dit.
- Femme, tu iras sur la plus haute montagne du royaume, aux confins des limites du monde. Tu chercheras le calice fragile qui, malgré le froid et le vent, résiste. Quand tu l'auras trouvé, tu résoudras l'énigme que le serpent te proposera, car il en est le gardien. Ta vie dépendra de la réponse que tu feras. Si tu réussis, tu emporteras le calice et le ramèneras ici.
Il y eut de nouveau un silence.
- Vous partirez ce soir, au lever de la lune. Quand vous aurez ramené le fruit de vos recherches ici, il vous sera donné d'avoir un garçon et une fille. Chacun d'entre eux, lorsque viendra leur quinzième année, devra rapporter l'un la lame, l'autre le calice, à chacun de leur gardien. Puis, de retour en ce château, chacun devra faire à Dieu une offrande qui vaille le prix de votre amour pour eux deux. Vous souviendrez-vous de tout ce que je vous ai enseigné ?
- Oui, Belle Dame. Nous vous remercions de votre bonté à notre égard.
- Qu'il en soit ainsi, répondit la fée.
Puis elle s'inclina doucement. Le roi et la reine firent de même. La Belle Dame se détourna, et glissant sur le sol, quitta la salle et le château.
Aussitôt
après son départ, le roi et la reine firent appeler
leurs gens pour leur dire qu'ils partaient en voyage, et qu'il
fallait préparer leurs affaires. Chacun fit charger le contenu
de ses bagages sur le dos d'un cheval, et fit seller un autre, de
sorte que chacun partit avec deux montures, les bêtes les plus
courageuses et les plus fortes du royaume.
Lorsque
la lune se leva enfin, le roi et la reine montèrent sur leurs
chevaux et quittèrent le château ensemble. Puis, loin
des regards des habitants, à l'écart près d'un
petit bois, ils mirent pied à terre, et s'étreignirent
longuement. Enfin, ils remontèrent en selle et s'éloignèrent,
la reine allant vers le nord (où se trouvaient les montagnes),
le roi prenant la direction de l'est (où maintes légendes
racontaient les hauts faits des dragons qui y vivaient).