Contes et légendes d'Endimante - Livre premier - Chapitre II
2. Ibitias
La reine Estelle chevauchait dans la brume naissante. Elle avait mis les deux animaux au pas pour qu'ils ne se fatiguent pas trop vite. Elle traversa une grande forêt où régnait une obscurité effrayante et lourde. Elle serra dans sa main la garde de l'épée que lui avait donnée son époux, afin qu'elle se défende au besoin. Les forêts du nord sont pleines de légendes sur des êtres magiques prenant plaisir à semer la peur dans le coeur des mortels. Bien qu'entourée par les bruits de la nuit, la reine garda courage et poursuivit son chemin droit vers le nord.
Le lendemain fut une journée bien triste. Ayant progressé plus rapidemment en plein jour, la reine accorda à ses compagnons plus de repos et de pauses. Lors de ces haltes répétées, elle s'agenouillait et priait pour que son mari et elle-même réussissent à surmonter ces épreuves. Toutefois, elle avait, à la fin de la journée, parcouru une bonne partie du chemin. Ainsi, épuisée, elle dressa le camp pour la nuit en contrebas de la petite route qu'elle avait suivie. Elle alluma le feu, et brossa les chevaux. Puis, la main sur l'épée, elle s'endormit.
Au point du jour, une voix la réveilla.
- Bonjour dame à l'épée, dit le petit être chétif en finissant d'éteindre le feu avec le bout de sa chaussure pointue, je m'appelle Ibitias.
- Que veux-tu ? demanda la reine en tirant de quelques centimètres la lame du fourreau.
- Ho là ! Ne tirez point l'épée contre moi, ma dame, je ne vous veux aucun mal... de plus, je ne suis pas armé. Je m'appelle Ibitias.
- Je ne suis pas sourde. Je suis Estelle. Qui es-tu ? Tu as un bien étrange vêtement, et le son de ta voix n'est pas commun... Serais-tu un de ces êtres aux pouvoirs magiques qui peuplent les forêts du nord ?
- Je ne tiens mes pouvoirs que de la terre. Je suis un lutin des bois, un gardien des arbres. Mon espèce est pacifique. Tu n'as rien à craindre...
La reine remit l'épée au fourreau, et dévisagea le nouveau venu d'un air incrédule. Puis, elle l'invita à s'asseoir en face d'elle, après avoir rallumé le feu. Là, dans la suave lumière du sous-bois, ils mangèrent et burent tout en discutant de choses et d'autres. Cependant, la curiosité du lutin n'y tint plus.
- Jolie dame aux cheveux roux comme les feuilles des arbres lorsque l'automne les repeint, il y a une ombre sur ton coeur, une incertitude, on dirait une peur... Quelle est donc ta route ?
- Ah, tu as bien lu dans mon coeur Ibitias... Ma route est celle de mon destin et me mène soit à la vie soit à la mort. Et si elle me mène à la vie, elle peut encore être la mort pour mon époux sans que je le sache. C'est une route bien difficile que la mienne.
- Mh... je vois. Peut-être que la compagnie d'un personnage tel que moi te serait utile à supporter le poids qui pèse sur tes épaules ?
La reine réfléchit un instant, et acquiesça. Alors, ils se préparèrent à partir de nouveau vers le nord. Estelle avait repris courage, tandis que celui d'Ibitias semblait être descendu dans ses chaussures. Il monta tant bien que mal sur le second cheval, qui était chargé de provisions, et prit les rênes. Puis la reine donna le signal et le bruit du galop retentit dans la forêt alentour.